Au petit jardin Afghan du 15 Novembre
Cette carte rend compte de la localisation de la totalité des incidents violents au cours des quatre périodes qui se dégagent de l’examen de la littérature[6], et des discontinuités qui apparaissent dans la figure 1. La dernière période (carte principale) inclut, en fond d’image, une représentation schématique de la distribution des principales ethnies : donnée d’une énorme importance sachant, par exemple, le poids immense des Pachtounes (et de leurs normes culturelles) dans le mouvement taliban[7].
Sur les petites cartes (partie droite de la figure), la première
période, antérieure à 2001, correspond essentiellement à la résistance à
l’occupation soviétique (1979-1989), et à la guerre civile qui suivit
jusqu’à la (première) prise de Kaboul par les talibans en 1996 avec le
concours du Pakistan.
Dans la mesure où la violence antisoviétique était entretenue et
financée notamment par les États-Unis (et en partie canalisée par des
relais comme Oussama ben Laden), on comprend que dans une base de
données nord-américaine comme la GTD, peu d’actions perpétrées à cette
époque soient répertoriées comme « terroristes[8] ».
La deuxième période (2001-2005)
correspond à l’invasion de l’Afghanistan dans le cadre de la « guerre au
terrorisme », et à la restructuration des talibans (et d’Al-Qaïda)
après leur défaite sur le terrain[9].
L’activité armée qui monte progressivement en puissance est partagée
entre terrorisme et guérillas, et tend à se concentrer dans les aires de
peuplement pachtoun.
La dynamique insurrectionnelle qui prend son essor en 2006 (troisième
période) est perceptible tant sur l’histogramme que sur la carte
correspondante.
Les zones de violence deviennent plus étendues, et conforment une sorte d’anneau qui fait encore une large part au terrorisme, sans doute en relation avec les difficultés qu’éprouvent les insurgés à contrôler durablement des territoires. La dépendance des groupes armés envers plusieurs voisins (notamment le Pakistan, et dans une moindre mesure l’Iran et les groupes djihadistes des ex-républiques soviétiques au nord) contribue probablement à la localisation des zones d’activité armée à proximité de frontières internationales.
Enfin, la dernière période (2010-2019)
correspond aux effets du désengagement graduel des États-Unis et de
leurs alliés d’un bourbier afghan de moins en moins gérable sur les
plans militaire et politique.
.
Cette nouvelle situation se manifeste en décembre 2009, lorsque le
président Obama annonce simultanément une augmentation notable des
troupes US envoyées en Afghanistan pour faire face à la pression
croissante des insurgés, et le retrait, à partir de 2011, des soldats
américains (donc de l’OTAN) du pays.
Les conséquences de cette bévue stratégique majeure ne se font pas attendre.
L’échéance annoncée fournit aux talibans et à l’ensemble de la mouvance insurgée un calendrier pour réoccuper le terrain et saper ce qui reste des institutions étatiques survivant sous perfusion occidentale.
.
Dès lors, la nature des incidents violents se transforme
spectaculairement, comme le montre le graphique inclus dans la partie
supérieure gauche de la figure 2. Il s’agit maintenant de conquérir du
terrain, et la prédominance de la guérilla est indéniable (avec sans
doute une urbanisation croissante du terrorisme, hypothèse qui reste à
vérifier).
.
Très rapidement, la dégradation sécuritaire du pays devient
telle que les Nord-Américains finissent par entamer en 2018 des
négociations avec les « terroristes » talibans, qui aboutiront aux
accords de Doha, deux ans plus tard, et à la chute sans combat de Kaboul en 2021[10
Bonjour
Un article de Daniel Dory paru sur les annales de Geographie
en corollaire ou en préalable à l’article de CONFLIT
Auteur(s)
Daniel Dory
Le terrorisme comme objet géographique : Un état des lieux
Résumé
Après avoir proposé une solution opérationnelle au problème de la définition du terrorisme, cet article s’attache à montrer les aspects qui en font un objet géographique. Pour ce faire, sont successivement passés en revue :
- la distribution spatiale et
- la localisation des actes et des acteurs terroristes ;
- les territoires du terrorisme (États, « zones grises », « trous noirs », sanctuaires et villes) ;
- les représentations polémiques et cartographiques de l’ennemi et du risque terroriste ;
- ainsi que les « lieux de mémoire » qui inscrivent la trace des attentats dans des paysages, le plus souvent urbains.
Basé sur une abondante bibliographie représentative des avancées actuelles de la recherche, cet article vise, enfin, à proposer un cadre permettant d’organiser les matériaux disponibles dans un champ cohérent d’investigation, permettant l’émergence d’une démarche cohérente d’accumulation des connaissances et de formulation d’hypothèses à valider empiriquement.
Toujours sur les annales de GEOGRAPHIE
et dans la même thématique
.
Auteur(s)
Anne Ouallet
Territorialisations de l’islam dans l’espace d’organisation Sahel-Sahara-Méditerranée
Résumé
Les territorialisations de l’islam sont ici observées dans l’espace
d’organisation Sahel-Sahara-Méditerranée et à travers des marquages
spatiaux déjà existants et des dynamiques de reterritorialisations.
Les spatialités de l’islam sont inscrites dans des temporalités longues qui intègrent divers héritages dont ceux des périodes antéislamiques. Elles sont marquées par des lieux de distinction (pôles, haut-lieux, lieux animés des pratiques de l’islam mais de moindre importance) et par les influences des écoles juridiques, principalement malékite et hanbalite.
L’appartenance aux réseaux de l’islam constitue le sésame du contrôle des ressources. Ces réseaux sont constamment renouvelés. Leur revivification actuelle est particulièrement visible à travers les stratégies spatiales de l’islam confrérique, plus spécialement observé ici en suivant les branches confrériques de la Tijaniyya.
Les territorialisations d’un islam qui se présente comme réformateur sont ensuite suivies en analysant les modes de contrôle spatial des courants salafistes porteurs du néolibéralisme et de la réislamisation des sociétés.
Les territorialités qui y sont associées sont multiples, se recomposent
selon les opportunités et contribuent fortement à la déstabilisation des
Etats. La mouvance djihadiste qui est en constante recomposition a pour
objectif commun la prise du pouvoir. Sa traduction spatiale idéalisée
en est le Khalifat. Quels que soient ses modes d’expression, l’islam par
ses réseaux contrôle les espaces en ignorant totalement les frontières
issues de la décolonisation
Un article de fond de Daniel Dory
.
https://journals.openedition.org/espacepolitique/4482
L’analyse géopolitique du terrorisme : conditions théoriques et conceptuelles
Une branche de la galaxie Islamienne et non des moindres
.
Révélant le financement par l’ONG Qatar Charity de projets de mosquées, de centres islamiques et d’écoles en Europe, tous liés aux Frères musulmans, une édifiante enquête au cœur des réseaux d’influence de l’émirat.
À l’origine de cette investigation, une clé USB, livrée en 2016 par
un lanceur d’alerte aux journalistes Georges Malbrunot et Christian
Chesnot, laquelle contient des milliers de documents confidentiels
émanant de l’opaque Qatar Charity, une ONG fondée en 1992 et aujourd’hui
présente dans soixante-dix pays.
Listes de donateurs (dont des membres de la famille régnante Al-Thani),
virements bancaires, mails… : cette fuite sans précédent révèle
l’offensive prosélyte de l’émirat en Europe.
Ce discret noyautage ne cache-t-il pas sa volonté d’imposer sur le
continent l’islam politique prôné par les Frères musulmans, cette
confrérie radicale née en Égypte en 1928 ?
En 2018, à la conférence de Paris « No money for terror », l’émirat, sur
la sellette, a annoncé officiellement des mesures pour mieux contrôler
ses organisations caritatives.